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ANNECY SON HISTOIRE ET SES MONUMENTS

LE CHATEAU D'ANNECY - HISTOIRE ET ARCHITECTURE

Le château d’Annecy – Histoire et architecture

Au cours du 12e siècle, la population se rassemble autour du Thiou, rivière formant

l'exutoire naturel du lac d'Annecy dont elle utilise la force motrice. Ce cours d'eau se

situe en contrebas d'un éperon rocheux, poste d'observation par excellence. De là, les

alentours se découvrent, au nord et à l'est, offrant une possibilité de se défendre des

plus appréciables.

Un château construit sur le rocher

On peut encore aujourd'hui chercher à localiser la présence du rocher à l'endroit où le

château a été bâti. Il apparaît au pied de la tour de la Reine et forme le soubassement

du logis Nemours. C'est sans doute le point le plus élevé. En allant vers le fond de la

cour du château, il semble décliner. Il est repéré à 0,80 mètre de profondeur au-devant

du logis Neuf et disparaît sous le logis et la tour Perrière dont les premières assises

sont situées environ neuf mètres en dessous de la cour. Peut-être qu'à cet endroit

précis existaient des carrières (d'où le nom de Perrière) exploitées jusqu'au moment de

la construction des bâtiments du même nom.

Le puits d'une quarantaine de mètres de profondeur est creusé dans le rocher brut. Il

est signalé pour la première fois en 1371.

La Tour de la Reine

Les origines du château sont très mal connues. Seules des hypothèses ont été émises

grâce à des documents trop rares et des observations archéologiques. L'imposante tour

de la Reine, sentinelle veillant sur l'entrée du château depuis le 13e siècle, est la

construction la plus ancienne.

On repère, depuis la place du Château, trois périodes de construction, chacune bien

identifiée par un appareil de pierre distinct. Pour la première, seule la forme des

fenêtres de tirs en permet la datation et aucune trace de reprises ne se constate de

l'intérieur. Une seule campagne de construction a par conséquent été nécessaire. On

ajoute à une date inconnue le deuxième niveau accessible depuis le chemin de ronde.

Puis au 15e siècle, seule date confirmée par les textes, le troisième et dernier niveau

est édifié sous le règne de Janus de Savoie.

La Tour de la reine, imposante et massive, s'élève à une trentaine de mètres de

hauteur avec des murs de plus de quatre mètres d'épaisseur à la base. Elle est un rare

témoignage de l'architecture militaire de la fin du Moyen Âge. Depuis le 18e siècle, une

légende veut nous faire imaginer qu'elle a été édifiée pour servir de prison à une reine !

Cette histoire inventée de toute pièce lui a permis de prendre un nom plus agréable que

le terme de Grande tour ou Grosse tour.



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Le Vieux logis Le Vieux logis est construit au 13e siècle sur le côté nord de

l'escarpement, par les comtes de Genève dont cinq générations se succèdent jusqu'à

l'extinction de cette dynastie en 1394.

L’ancienne cuisine du château restaurée

L'ancienne cuisine conserve deux imposantes

cheminées et un four à pain situé au rez-dechaussée de la tour Saint-Pierre, appelée aussi

tour de la Bouteillerie.

Salle des colonnes du musée-château en 1988

Un passe-plats aménagé dans le mur mitoyen de

la salle des colonnes était alors la seule

communication avec cette vaste pièce, appelée

ainsi en raison des 14 colonnes qui supportaient à

l'origine le dallage de la salle supérieure

On la désignait aussi sous le terme de pèle car

des fourneaux (des poêles) en assuraient le

chauffage. A l'étage supérieur, la grande salle

était la pièce d'apparat, le lieu incontournable des

fastueuses réceptions, de fêtes grandioses. Elle

constituait aussi le centre de décisions

importantes, par exemple lorsque le comte

réunissait ses conseillers à l'occasion d'une levée

d'hommes en cas de guerre, ou pour prendre des résolutions après un grave incendie

ou une disette. C'était aussi jusqu'au 15e siècle le lieu où l'on rendait la justice. Au

même niveau et juste au-dessus de la cuisine, la Chambre Rouge formait l'appartement

privé des comtes de Genève. Deux tours assuraient la défense du Vieux logis ; l'une, la

tour Saint-Pierre, possède encore sa couronne de créneaux, l'autre, la tour Saint-Paul,

ses mâchicoulis.

Le duc Amédée VIII

Ce logis en proie à plusieurs incendies dans la première moitié du

15e siècle, est restauré par Amédée VIII de Savoie à qui l'on doit,

entre autres choses, le très élégant plafond de la grande salle.



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La tour et le logis Perrière

Toujours au 15e siècle, les constructions de la tour et du logis Perrière permettent de

fixer les nouvelles limites castrales à l'est. La tour veille sur les abords du château et

notamment sur le faubourg et la porte Perrière, l'un des quatre accès au bourg

médiéval. Pendant de la tour de la Reine, l'ensemble Perrière peut lui être comparé.

Le logis appelé à l'origine logis du Gouvernement, abritait des fonctions administratives

mais aussi de prestige : La Maistrie et recepverie des comptes au rez-de-chaussée et

un tinel (salle de réception) et la chambre du parement (pièce d'apparat) au premier

étage.

Sur les murs de l'une des salles du second étage, des traces d'anciens décors peints

sont mises en valeur, elles apportent modestement des informations sur la décoration

de cette pièce au fil de ses fonctions : résidence princière et casernement.

Le logis Nemours

Décor peint représentant une vue du lac, de la ville et du château

d'Annecy.

Le 16e siècle voit l'édification du logis

Nemours et du logis Neuf, tous deux

construits par la famille des GenevoisNemours. Charlotte d'Orléans, qu'un

cousinage unissait à François 1

er, épouse

Philippe, frère du duc de Savoie. En dot, le

roi de France donne aux jeunes mariés

l'apanage de Nemours situé en Île de

France ; une des branches cadettes de la Maison de Savoie était née.

Jeune veuve, Charlotte prend l'initiative de la construction de ce logis inspirée de

l'architecture renaissance. On lui doit la plus élégante façade donnant sur la cour. Les

matériaux sont soigneusement taillés, les meneaux des fenêtres délicatement ouvragés

et la poivrière ponctue agréablement l'ensemble. L'intérieur, sur trois niveaux, est une

succession de trois pièces en enfilade, toutes dotées de cheminée, d'un volume

proportionné à une vie confortable et éclairées de baies s'ouvrant sur le sud.

Le fils de Charlotte, Jacques de Genevois-Nemours est resté pour la postérité le héros

de l'ouvrage "La princesse de Clèves" de Madame de la Fayette.

Le logis Neuf

Le logis Neuf, construit quelques temps plus tard, ne possède pas la belle apparence

du logis Nemours, ni à l'extérieur, ni à l'intérieur. Ce bâtiment n'avait pas de fonctions

prestigieuses. Exceptées les deux premières générations, les Genevois-Nemours n'ont

guère occupé le château d'Annecy ; ils en resteront pourtant les propriétaires jusqu'en

1659 au moment de l'extinction de cette famille. La dernière descendante, MarieJeanne Baptiste de Genevois-Nemours, rejoint Turin, ville qui avait un siècle plus tôt

remplacé Chambéry comme capitale des États savoyards. Elle épouse son cousin

Victor-Amédée II de Savoie, futur roi de Piémont-Sardaigne.




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Le château, lieu de casernement

L'entrée du château est devenu une caserne.

Le château d'Annecy, sans fonction bien définie,

aurait pu, comme bons nombres de châteaux-forts

délaissés, être transformé en carrière de pierres,

fournissant des matériaux "prêts à l'emploi" pour

les chantiers en cours.

Son destin est différent : la Maison de Savoie lui

donne le rôle de casernement et si le château

perd de sa magnificence, il conserve dans

l'ensemble l'aspect qu'il devait avoir au moment du

départ de ses derniers princes.

L'intérêt que représente l'histoire de la caserne du

château réside dans les travaux d'entretien,

heureusement toujours réalisés à l'économie,

réduisant ainsi les risques de trop grande

transformation.

On peut cependant relever la démolition au 18e

siècle du chemin de ronde entre la tour de la Reine et le logis Perrière et celui situé

entre la tour Perrière et la tour Saint-Paul, ainsi que la disparition des bâtiments situés

sur la terrasse Perrière, mentionnés dans de rares documents qui énuméraient une

forge, un moulin à bras et une glaciaire offrant aux occupants du château la possibilité

de conserver des aliments tout au long de l'année.

Theatrum Sabaudiae Annecy en 1690

Tout le système défensif protégeant l'accès

principal a malheureusement lui-aussi disparu ; il

nous est connu par des plans anciens comme le

célèbre Theatrum sabaudiae, dont les petites

erreurs bien excusables pour cette vue cavalière

dessinée il y a plus de trois cents ans, sont

corrigées par la présence des vestiges au sol,

apparents depuis la réalisation de travaux de

terrassement dans les années 1930 et étudiés par

des archéologues en 2010 avant la mise en

chantier de la création de la place du Château.

C'est à la fin du 17e siècle, que pour la première fois, la présence d'un cantonnement

est attestée. Le conseil de ville décide de voter une participation financière pour de

menus travaux à effectuer pour permettre le logement de la troupe. D'autre part, nous

possédons la copie d'un plan dessiné par La Rochette en 1691, qui propose de

renforcer la courtine sud du château sur le modèle des fortifications de Vauban.

Si les projets n'ont jamais été réalisés, le plan nous renseigne partiellement sur la

fonction des logis : un magasin à poudre dans la tour de la Reine, un endroit servant à

mettre les farines dans le logis Perrière et des chambres servant d'arsenal au rez-dechaussée du logis Neuf.




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Plan de la Rochette

On constate que le système de l'avant défense est

encore en place ; seul le fossé semble avoir été

comblé. On apprend aussi que les mâchicoulis

sont présents sur les deux côtés du chemin de

ronde de l'entrée. Le puits a toujours quantité de

bonne eau, précise-t-on. Il n'y a probablement

jamais eu de souterrain pour quitter le château en

cas de siège ou pour permettre son ravitaillement ;

cependant, une fausse porte communiquant avec

la ville est signalée sur la terrasse, au pied de la tour Perrière.

Le produit des parcelles alentour permettait l'entretien courant des bâtiments, complété,

pour des travaux importants, par les finances de la ville d'Annecy voire celles du

royaume de Piémont-Sardaigne.

C'est surtout au moment de loger les troupes de passage, qu'un inspecteur s'empresse

de dresser un état des lieux et de commander des travaux urgents... travaux sinon

jamais réalisés du moins partiellement exécutés si l'on en croit les rapports qui

mentionnent un médiocre état des logements, obligeant la troupe à dormir chez

l'habitant.

C'est également au moment des guerres que le château, bien que jugé "fort à la main

mais non pour résister longtemps au canon" permet l'hébergement de troupes

françaises (lors de la guerre de la Ligue d'Augsbourg 1691-1696), espagnoles (1748-

1752) et autrichiennes (1814).

On ne sait si le château a été attaqué du temps où l'on se défendait du haut des

chemins de ronde ou depuis les meurtrières, armés d'arcs ou d'arbalètes ! On garde la

mémoire d'un seul siège qui eut lieu en juillet 1709, au moment de l'occupation lors de

la guerre de Succession sur le trône d'Espagne (1703-1713). Les troupes autrichiennes

qui souhaitaient déloger les soldats français, menacent de mettre le feu aux mines

placées à la base des murs de soutènement de la terrasse Perrière. Heureusement, les

soldats retranchés ont fait battre la chamade au moment où les assaillants allaient

mettre leur menace à exécution.

Lors de l'occupation par les troupes révolutionnaires, le château prend le nom de

"caserne de la montagne". En 1796, des travaux sont entrepris en urgence pour

caserner avant l'hiver les troupes de la République (...) soit 800 hommes d'infanterie et

100 chevaux.

En 1801, l'angle nord-est du logis Neuf s'écroule, imposant un important chantier pour

éviter que cet écroulement n'entraîne celui des parties voisines.

Ce n'est que depuis 1833 que la tour de la Reine est accessible directement depuis la

cour par une porte de plain-pied. Ces travaux devaient permettre de loger quarante,

voire quatre-vingts soldats dans la partie basse. Si la porte a bel et bien été créée, rien

ne confirme la présence d'une chambrée dans cet endroit humide et mal aéré.

Le grand nombre d'hommes cantonnés dans cette vieille construction insalubre,

empestée par des latrines guère appropriées au nombre de soldats et dépourvue de

lieu de propreté, n'allait pas sans poser des problèmes de salubrité ; à plusieurs 

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reprises dans le courant du 19e siècle, des épidémies de fièvre typhoïde, causant

parfois des décès, sont signalées.

Avec la Réunion de la Savoie à la France en 1860, le

vieux château conserve son rôle de casernement.

En 1873, le 30e

régiment d'infanterie s'y installe. Henry

Bordeaux, écrivain savoyard, découvre le château

d'Annecy à l'occasion de son service militaire vers 1890.

Il se souvient : "Il y avait beaucoup de punaises. Mais de

la terrasse on voyait, le soir et le matin, de beaux

spectacles : […] des levers de soleil ou de lune derrière

la Tournette et l'agitation des eaux sous les premières

caresses de la lumière".

Groupe de militaire du 30e

régiment, de la 6e

compagnie posent dans la cour du château

transformé en caserne

Les travaux initiés par le service

du génie militaire se poursuivent...

à l'économie, pour mettre la

caserne en bon état d'habitabilité,

et heureusement sans trop altérer

son aspect. Sauf à la fin du 19e

siècle, lorsque le plafond à

caisson du 15e siècle de la grande

salle était à deux doigts d'être

remplacé par une dalle en béton

armé ou par un plafond métallique

supporté par une double rangée de colonnes en fonte ! Il faut dire que l'ancien plafond

n'avait pas l'aspect que nous lui connaissons aujourd'hui ; de nombreuses solives,

formant l'intérieur des caissons, avaient disparu.

Les pièces de bois savamment appareillées étaient devenues avec le temps toutes

vermoulues et soupçonnées - à juste titre - de propager les maladies auprès des

quatre-vingt-un soldats formant l'effectif de la grande salle transformée en chambrée ;

ainsi le chef du génie, selon les directives du ministère de la Guerre, proposa d'utiliser

des matériaux contemporains et des techniques de construction résolument modernes

et adaptées à l'époque. Il faut prendre quelques instants et fermer les yeux pour

imaginer le résultat si le génie avait mis ses projets à exécution ! D'autant que le

chauffage de la grande salle laissant à désirer, il avait été prévu de baisser la hauteur

du plafond pour rendre le volume plus facile à chauffer. Du même coup, il aurait fallu

retailler les fenêtres, ce qui aurait compromis l'harmonie des façades tant du côté de la

ville que du côté de la cour.

Max Bruchet, archiviste départemental, et Charles Suisse, architecte en chef des

Monuments historiques, vont proposer le classement du château d'Annecy. Gageure

d'autant plus improbable qu'il fallait alors le consentement du propriétaire pour obtenir le

classement. Après de nombreux rapports, échange de courriers et visites sur place, ils

obtiendront gain de cause, en permettant la restauration du plafond selon les vues du

ministère des Beaux-Arts qui propose de le restaurer sur le modèle de l'ancien. Les 

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poutres maîtresses n'ont cependant pas été taillées dans des troncs de sapin comme

on pourrait l'imaginer mais sont en réalité des poutrelles métalliques habillées de bois.

Cependant le plafond a conservé son aspect du 15e siècle. Le chantier se déroule en

1902-1903.

Au lendemain de la Première guerre mondiale (1914-1918), des officiers allemands

sont incarcérés au château. Le 30e RI est dissous en 1922. Dans les années qui

suivent, durant quatre étés, un centre de vacances occupe les locaux ! Des magasins

pour les réservistes prennent place, ainsi que des logements pour les officiers mariés.

En 1933, c'est une compagnie du 27e BCA (Bataillon de chasseurs alpins) qui s'y

installe.

A la Libération, après l'occupation par les troupes italiennes puis allemandes, l'armée

envisage de quitter cette caserne.

Le mur de soutènement de la terrasse Perrière s'effondre en 1946 ; la Ville qui avait le

projet depuis la fin du 19e siècle d'y transférer le musée bien à l'étroit à l'hôtel de ville,

conditionne l'acquisition à la restauration du mur.

Les enfants des sans-logis à la porte d'entrée du château.

L'armée quitte le château en 1947. A cette même

date, la crise du logement commence à se faire

sentir, aussi le préfet mais également des

membres du conseil municipal, permettent à

quelques personnes d'occuper provisoirement une

ou deux pièces de cette caserne désaffectée.

D'autres personnes en quête d'un toit, viennent

tout au long des cinq années suivantes, sans la

moindre autorisation.

Devant cette situation dramatique, les pouvoirs

publics, tout en redoutant une catastrophe, se

résignent à ne pas expulser.

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Vers le Musée-Château

Après incendie du château survenu dans le Grand Pêle le

12 juillet 1952

Le 12 juillet 1952 au matin, suite à

l'explosion d'un réchaud à alcool, un

violent incendie éclate dans la salle des

Colonnes, mais fort heureusement ne

se propage pas.

Trois cent cinquante et une personnes

occupaient le château ; elles sont

toutes relogées avant la fin de l'année.

En mars 1953, la Ville l'achète pour la

somme de mille anciens francs, soit

1,52 €, somme toute symbolique au

regard des travaux de restauration et d'aménagement du musée qu'elle prenait à sa

charge.

Exposition de tapisseries anciennes

En 1956, c'est dans la salle des colonnes

restaurée qu'une première exposition est

présentée au public.

D'autres suivront au fur et à mesure de l'ouverture

de nouvelles salles. Ce travail de longue haleine

prendra fin avec la restauration de la tour et du

logis Perrière (1988-1992).

Une quarantaine d'années de travaux de

restauration a été nécessaire pour ouvrir

complètement le château au public.